Seul pour la nuit, il est le dernier homme. A peu près un tiers de ses posts, c'est pour prévenir qu'il a perdu son téléphone, ou cru voir un chien se faire un sandwich.Paul Ramon (Bryan's Magic Tears, la Secte du Futur) a trouvé le temps de finir un deuxième album dans lequel le rare bordel du premier a eu le temps de coaguler. Précédé par une réputation d'ingérabilité Defcon 1 tout en étant visiblement capable de se tenir, on est pas surpris de trouver le même niveau de paradoxe dans "Buvez le poison".Si on fouille à corps le disque, on trouve toute la pharmacopée musicale des quarante dernières années. Ca roule à 30 sur l'autoroute (Hacienda, dub de descente avec basses abusées) et à 90 en ville (les victimes du roi, hallu fantasy-médiévale arpégiée). Pleasure Principle a décidé que le code de la route s'appliquait pas à son véhicule. Chant en français ni beuglé ni chuchoté, guitares tantôt highlife, tantôt caraïbes, synthés 90, moments MTV à la vulgarité étudiée, traces de tout, traces partout. Chanteur par obligation, de son aveu même, il s'exécute en scandant ses textes avec la morgue tête-à-claques du chanteur de Ludwig Von 88 en stage de 3ème à Manchester. Content d'être là, mais il voudrait pas que ça se sache. L'air de pas y toucher, Paul Ramon a tiré la langue pour écrire, et il enchaîne généreusement les one-liners de jeanfoutre : " si tu veux fuir le monde l'élégance est de mise", "c'est dans le déni que je m'épanouis." Autant de rasoirs jetables de qualité NF qu'on a hâte de le voir sortir de ses poches en scène, pour saigner tout le monde (en galérant un peu, forcément).Au mix, Marc Portheau transforme l'essai : ainsi Héliopolis, jam psyché-pop en tunnel plein de delay, se chiade en loucedé pour ajouter choeurs et vents d'autant mieux amenés (Olivier Demeaux, Romain Vasset) qu'ils n'avaient pas prévenu qu'ils passeraient.Une vraie chausse-trappe, cet album. La punition commence : texte en prose, on attend une ambiance de donjon et des aveux fétides, mais finalement ça remue les bras en l'air, en piétinant le cadavre de la dance pop à synthé décérébré, circa 1995. "Frappe le cuir" paye son hommage aux Happy Mondays, on aurait pu s'y attendre vu le pedigree du batteur, mais c'est chanté dans une ambiance Négresses Vertes. Même "Buvez le poison" et "la sieste", campagne de promotion pour les stups en deux temps - un qui claque et un qui chaloupe- qui mérite direct un signalement, contient son antidote pour qui sait écouter. Et dans Rêves, morceau plutôt estival à accords, c'est la guitare solo fuckée à souhait par les effets qui vient foutre le zbeul et donne des indices du degré de déreliction du climat.Alors quand on tombe sur Plein de rancoeur je vis mon meilleur moment, tentative réussie de refaire "Loser" en moins littéral en 2022, on se dit que vraiment, c'est attachiant, mais Pleasure Principle sait très bien ce qu'il fait. C'est pas un collage, on est dans les couleurs non miscibles, de celles qu'on étale pour les regarder se côtoyer lascivement sans jamais se mélanger, en souriant bêtement, le cerveau bien niqué comme il faut.Halory Goerger